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Par Adjanie Martin

Vous le savez. Depuis le temps que tout le monde le dit : passer des heures dans la voiture, rester affalé sur le canapé, travailler derrière un bureau… rien de tout cela n’est très bon pour la santé. Toutes ces heures gâchées derrière un tube cathodique, un volant ou autre, cela a des conséquences directes sur notre bien-être, n’est-ce pas ? Problèmes cardiaques, diabète, cancers voire même dépression… Les médecins américains ont même mis un nom sur le problème : le « sitting disease », autrement dit, le « mal de la chaise ».

Mais vous vous n’êtes pas concerné, n’est-ce pas ? Vous êtes des coureurs. Vous ne devriez pas être touché par ces questions de sédentarité, puisque vous êtes à classer dans les « actifs ». Enfin, pas totalement. Des études récentes mettent en avant que les personnes qui passent de nombreuses heures collées à leur chaise voient leur espérance de vie diminuer par rapport à ceux qui sont moins souvent assis… et c’est vrai même pour ceux qui font de l’exercice.

« Jusqu’à récemment, si vous bougiez 60 minutes ou plus dans une journée, vous étiez considéré comme physiquement actif, point barre », explique ainsi Travis Saunders, physiologiste du sport certifié pour le groupe de recherche santé, sport et obésité de l’Université à l’hôpital des enfants de l’Ontario. « Aujourd’hui, de nombreuses recherches montrent qu’il est tout à fait possible d’avoir une activité sportive intense tout en étant dans le même temps extrêmement sédentaire. Et cette sédentarité génère des risques pour la santé, même si vous faites beaucoup de sport. C’est un peu comme fumer. Fumer c’est mauvais pour vous, même si vous faites du sport. Rester assis, c’est pareil. »

Malheureusement, en dehors des séances d’entraînement et des compétitions, les « sportifs » passent autant de temps sur leur chaise que les non sportifs. Dans une étude parue en 2012 dans l’International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, les chercheurs ont établi que les gens passaient en moyenne 64 heures par semaine assis, contre seulement 28 heures debout et 11 heures en mouvement (marche en dehors du sport), qu’ils pratiquent un sport ou non (à hauteur des 150 minutes recommandées par semaine, ils sont considérés comme pratiquants). Ce qui revient à plus de 9 heures par jour en position assise, peu importe le temps passé à bouger en plus. « Nous avons été extrêmement surpris de constater que même un niveau élevé d’exercice ne réduisait pas le temps passé assis », explique Marc Hamilton l’auteur de l’étude et professeur. En fait, les pratiquants réguliers ont même tendance à bouger moins en dehors de leur temps d’entraînement ou de leur session de sport. Ainsi, dans le rapport d’une conférence des médecins du sport qui s’est tenue dans une université de l’Illinois aux Etats-Unis, il apparait que les personnes qui pratiquent régulièrement du sport sont environ 30% moins actifs les jours où ils ont prévu une séance de sport, comparativement aux jours où ils n’ont aucun entraînement de programmé. Ils pensent sans doute que la séance de sport se suffit à elle-même. Pourtant, les experts affirment qu’aucune pratique sportive, qu’il s’agisse de courir, de marcher ou de simplement se déplacer peut contrecarrer le fait de rester assis pendant 8 à 10 heures par jour.

COURIR PLUS

À moins d’avoir un travail où vous êtes tout le temps en mouvement, vous passez une grande partie de votre temps hors entraînement dans la position assise. Ce qui signifie que vous êtes un « sédentaire actif », un terme inventé par une chercheuse australienne pour décrire les pratiquants qui restent assis une majorité de leur journée. Et s’ils ne font pas attention, ces sédentaires actifs courent les mêmes risques que les sédentaires pur jus.

« Le corps est fait pour bouger, continue Marc Hamilton. Rester assis pendant plusieurs heures d’affilée a des conséquences sur le métabolisme. Au niveau des muscles par exemple, surtout les muscles des membres inférieurs, l’inactivité a pour conséquence un ralentissement de la circulation sanguine ». Résultat : vous brûlez moins de graisses et votre taux de sucre sanguin reste plus élevé.

Une étude menée sur un peu moins de 4000 femmes a montré que pour chaque deux heures passées assises à leur travail, leur risque de développer un diabète augmentait de 7% ce qui revient à une augmentation du risque de 56% pour des journées passées entièrement assises. Une autre étude publiée dans l’American Journal of Epidemiology parle, elle, d’une augmentation de 18% du risque de de mourir d’une crise cardiaque et de plus de 7% de mourir à cause du diabète pour les hommes qui restent assis plus de 6 heures par jour, comparativement à ceux qui ne restent assis que trois heures ou moins. Ainsi, même si la course à pied est bonne pour vous et votre santé, si vous restez assis pendant des heures en dehors de vos entraînements, vous perdez une partie des bénéfices de la pratique.

Une étude canadienne qui a scruté plus de 17.000 personnes sur 12 ans a mis en évidence que plus les personnes restent assises, plus elles meurent jeunes, peu importe leur âge, leur poids ou leur activité physique.

Pour enfoncer un peu plus le clou, Marc Hamilton a mis en relation il y a peu qu’un gène (les lipides phosphates phosphatases) qui a une action positive sur le système cardio-vasculaire serait sérieusement mis à mal quand on est assis. Pire, il serait résistant à l’exercice si le muscle est resté au repos une bonne partie de la journée.

Les problèmes cardiaques et le diabète ne seraient pas les seuls maux qui guettent les accros du siège. L’Institut américain pour la recherche contre le cancer affirme aujourd’hui que la position assise aurait aussi une incidence en cas de cancer du sein et de cancer du côlon. « Le temps passé assis est un élément à prendre en compte dans le risque de développer un cancer », prévient Neville Owner, Chef du département d’épidémiologie du laboratoire de l’Institut Baker IDI (spécialisé dans les troubles vasculaires et le diabète) en Australie. « De nouvelles preuves scientifiques montrent que plus le temps passé assis est élevé et plus le risque de développer un cancer est grand. L’intensité de l’activité physique à côté se semble pas compenser ce fait », poursuit-il. Selon les chiffres du centre Alberta situé au Canada et spécialisé dans le cancer, l’inactivité serait en partie responsable de 49.000 cas de cancer du sein, 43.000 cas de cancers du côlon, 37.200 cas de cancer du poumon et 30.600 cas de cancer de la prostate.

Une autre mauvaise nouvelle ? Une étude de cette année sur près de 30.000 femmes a établi que celles qui restaient assises neuf heures ou plus par jour avaient plus de risque d’être déprimées que celles qui ne passait que six heures ou moins sur une chaise. La circulation sanguine étant altérée par la position assise, les hormones du bien-être alimenteraient ainsi moins bien le cerveau.

Vous êtes effaré par tous ces chiffres ? Sachez que vous pouvez – heureusement – contrecarrer assez facilement tous ces effets délétères. Stuart McGill directeur du laboratoire de biomécanique de l’Université de Waterloo(USA) explique que rompre la station assise aussi souvent que possible et intégrer différentes postures dans son quotidien est un bon moyen de changer la donne. « Même de courts intermèdes de 1 minute peuvent améliorer la santé », ajoute-t-il. Mieux, avec quelques astuces, vous pouvez aussi améliorer vos performances en course à pied. Alors, hop, debout… mieux courir et rester en bonne santé, vous avez tout à y gagner.